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Rubrique: SOINS
Auteurs: Binder P.
Citer cet article: Binder P. Intervenir sur les addictions en médecine générale. exercer 2017;129:24-31.
Lien URL: https://www.exercer.fr/full_article/839
Contexte. L’addiction est une maladie dont la prévention et la prise en charge peuvent être améliorées, particulièrement en soins primaires, car trop souvent sa représentation provient plus d’une opinion que d’une base scientifique. Or, les progrès des neurosciences permettent d’approcher sa physiopathologie : une perte du contrôle du désir envahi par le besoin. L’addiction nécessite la rencontre entre un mode externe de stimulation de plaisir, un individu avec ses vulnérabilités et un environnement facilitant. Les drogues psychoactives interfèrent sur les équilibres subtils interneuronaux entretenus par les neuromédiateurs naturels. Chacune a des cibles spécifiques mais toutes perturbent les systèmes modulateurs qui régulent la réponse comportementale aux besoins, aux désirs et aux projets. La répétition des expériences désensibilise le circuit de la récompense intervenant dans les apprentissages adaptatifs, affaiblit le contrôle inhibiteur préfrontal décisionnel et façonne avec les mémoires une réponse univoque où s’impose le produit stimulant. Progressivement, le processus devient anatomique par neuroplasticité et détermine trois mécanismes facteurs de dépendance durable : la douleur physique du manque, l’inadaptation au stress et l’emprise du conditionnement. L’addiction se développe graduellement sur un terrain de vulnérabilités d’origine génétique qui se nourrissent de discordances environnementales, éducatives et sociales précoces. Elle s’initie souvent pendant l’adolescence, période de grande neuroplasticité durant laquelle les circuits des contrôles décisionnels n’ont pas encore atteint leur maturité et peinent à réguler les réponses émotionnelles ou conditionnées. Dans une perspective pédagogique, ces bouleversements peuvent être compris, expliqués et transmis par diverses métaphores éclairant les dérèglements des processus biologiques qui conduisent à l’altération du contrôle volontaire des comportements. La compréhension de ces mécanismes peut améliorer chez les patients la conscience de leur trouble (l’insight) et chez le médecin généraliste l’orientation des objectifs et le choix des moyens de la prise en charge.
Background. Addiction is a disease, which prevention and management can be improved, particularly in primary care; too often, its representation is derived less from scientific fact, than from popular opinion. However, advances in the neurosciences have elucidated its pathophysiology: loss of control of desire, which is overwhelmed by need. Addiction requires the encounter of a stimulating pleasure, a vulnerable individual and a facilitating environment. Psychoactive drugs interfere with the refined interneuronal equilibriums maintained by the natural neuromediators. While each substance has specific targets, all of them disrupt the modulator systems regulating behavioral responses to needs, desires and projects. Repetition of experiences with psychoactive drugs desensitizes the reward circuit intervening in adaptive learning, weakens prefrontal inhibitory decision-making control and fashions memories triggering an unequivocal response through which the stimulant imposes its hegemony. Little by little, with neuroplasticity, the process becomes anatomical and determines the three factors of durable dependency: withdrawal pain, maladjustment to stress, and predominance of conditioning. Addiction gradually develops in a context where genetic vulnerabilities are aggravated by early socio-educational environmental conflicts. It is often initiated during adolescence, a period of pronounced brain plasticity during which the decision-making control circuits have not achieved maturity and have difficulty regulating emotional or conditioned responses. Pedagogically speaking, this major upheaval can be understood, explained and transmitted using metaphors that shed light on the disturbances of biological processes leading to alteration of voluntary behavioral control. Comprehension of these mechanisms could improve both patients’ insight and general practitioners’ management choices.