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Rubrique: EDITORIAL
Auteurs: Boussageon R.
Citer cet article: Boussageon R. Réévaluation des médicaments remboursés à 15 ou 30 %. exercer 2025;212:147.
Lien URL: https://www.exercer.fr/full_article/2814
« Les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien. »
Voltaire
L’heure est aux restrictions budgétaires… mais pas pour tous les secteurs ! En France, lorsqu’un médicament dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), le laboratoire pharmaceutique peut demander qu’il soit remboursé par l’Assurance maladie. Pour cela, il dépose un dossier auprès de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) afin que soit évalué son « service médical rendu » (SMR insuffisant, faible, modéré, important ou majeur). Une fois établi, ce SMR permet à l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie de fixer le taux de remboursement : 0 % (non remboursé), 15 % (SMR faible), 30 % (SMR modéré), 65 % (SMR important ou majeur), voire 100 % pour les médicaments irremplaçables et coûteux. Le reste à charge, appelé « ticket modérateur », peut être remboursé par les mutuelles ou organismes complémentaires.
Depuis de nombreuses années, des médicaments disponibles en France sont remboursés par l’Assurance maladie à hauteur de 15 ou 30 % alors même qu’ils n’ont pas démontré leur efficacité clinique. Citons à titre d’exemple l’acétylleucine pour les vertiges1, l’oxomémazine2 pour la toux ou le phloroglucinol3 pour les dysménorrhées. Il en existe probablement beaucoup d’autres. Leur AMM a été délivrée dans le passé sur des critères qui ne sont pas ceux de la commission de la transparence d’aujourd’hui. Pour la plupart des AMM des médicaments à visée symptomatique, il est nécessaire que soit démontrée leur efficacité clinique, c’est-à-dire que leur efficacité « perçue » par les patients n’est pas simplement liée à une résolution spontanée du symptôme ou à l’effet placebo.
La disponibilité sur le marché et la prescription de ces médicaments posent des questions déontologiques, éthiques, écologiques et économiques. Cette prescription ne respecte pas les codes de déontologie médicale (article 32) et du code de la santé publique (article R4127-32 du code de la santé publique) qui disposent : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science. »
La prescription ne respecte pas le principe éthique de « non-malfaisance » (primum non nocere) puisqu’elle expose le patient à des risques certes rares, mais inacceptables du fait de l’absence de bénéfices démontrés. La prescription peut détourner des traitements plus éprouvés et plus pertinents. Elle entretient également l’illusion qu’il existe une solution médicamenteuse pour chaque symptôme.
La fabrication et l’utilisation de ces médicaments ont un coût écologique de fabrication, de transport, de déchets, etc.
Enfin, dans le contexte actuel de restriction budgétaire, ces médicaments remboursés à 15 ou 30 % coûtent cher à la collectivité. Un rapport de la DREES publié en 2022 estimait que le coût pour l’Assurance maladie obligatoire des médicaments remboursés à 15 % était d’environ 200 millions d’euros et celui des médicaments remboursés à 30 % d’environ 1,16 milliard d’euros4. Nul doute que ces montants pourraient être utilisés à meilleur escient !
Bien évidemment, avant de décider de son déremboursement ou de son retrait du marché, il faut réévaluer correctement la balance bénéfice/risque de chaque médicament. C’est l’objectif du projet REB « Rebuild the evidence base »5,6 dont vous découvrez les résultats au fil des numéros d’exercer.
‘Doctors administer drugs of which they know very little, to patients of whom they know even less, to cure illnesses they know nothing about.’
Voltaire
These are times of budgetary restrictions... but not for all sectors! In France, when a drug has a marketing authorisation (MA), the pharmaceutical laboratory can request that it be reimbursed by the health insurance. To do so, it submits a file to the Transparency Commission of the French National Authority for Health (HAS) so that its ‘medical service rendered’ (insufficient, low, moderate, significant or major SMR) can be evaluated. Once established, this SMR allows the National Union of Health Insurance Funds to set the reimbursement rate: 0% (not reimbursed), 15% (low SMR), 30% (moderate SMR), 65% (significant or major SMR), or even 100% for irreplaceable and expensive drugs. The remaining amount, known as the ‘ticket modérateur’ (user charge), can be reimbursed by mutual insurance companies or supplementary organisations.
For many years, medicines available in France have been reimbursed by the health insurance system up to 15 or 30%, even though they have not been proven to be clinically effective. Examples include acetyl leucine for vertigo1, oxomemazine2 for coughs and phloroglucinol3 for dysmenorrhoea. There are probably many others. In the past, their MA was issued based on criteria that are not those of today's transparency commission. For most MA for symptomatic drugs, it is necessary to demonstrate their clinical efficacy, i.e. that their efficacy ‘perceived’ by patients is not simply linked to a spontaneous resolution of the symptom or to the placebo effect.
The availability on the market and the prescription of these drugs raise deontological, ethical, ecological and economic questions. This prescription does not respect the codes of medical ethics (article 32) and the public health code (article R4127-32 of the public health code) which state: ‘Once he has agreed to respond to a request, the doctor commits to personally providing the patient with conscientious and dedicated care based on the data acquired from science.’
Prescription does not respect the ethical principle of ‘non-maleficence’ (primum non nocere) since it exposes the patient to risks that are admittedly rare, but unacceptable due to the absence of proven benefits. Prescription can divert more proven and more relevant treatments. It also maintains the illusion that there is a drug solution for every symptom.
The manufacture and use of these drugs have an ecological cost in terms of manufacturing, transport, waste, etc.
Finally, in the current context of budgetary restrictions, these drugs, reimbursed at 15 or 30%, are expensive for the community. A DREES report published in 2022 estimated that the cost to the statutory health insurance scheme of drugs reimbursed at 15% was around 200 million euros and that of drugs reimbursed at 30% was around 1.16 billion euros4. There is no doubt that these amounts could be put to better use!
Of course, before deciding to remove a drug from the reimbursement list or withdraw it from the market, the risk/benefit balance of each drug must be properly reassessed. This is the objective of the REB project ‘Rebuild the evidence base’5,6, the results of which you will discover in the issues of exercer.