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Rubrique: SOINS
Auteurs: Conseil Scientifique du CNGE &.
Citer cet article: Conseil Scientifique du CNGE &. Faut-il continuer à supplémenter en vitamine D les enfants en bonne santé ?. exercer 2024;203:230-1.
Lien URL: https://www.exercer.fr/full_article/2540
La question de la supplémentation en vitamine D en population générale a fait l’objet de multiples recommandations et avis d’experts, s’accordant sur la nécessité d’une supplémentation chez le très jeune enfant. Cependant, ils préconisaient des posologies et indications différentes en termes d’âges ou de facteurs de risque. De ce fait, le Conseil scientifique du CNGE a examiné les données de la littérature les plus solides chez les enfants.
Bien que la prévalence d’un taux en vitamine D en dessous de 30 nmol/L (soit 12 ng/mL) dépasse 10 % en Europe, l’incidence du rachitisme est d’environ 3 pour 100 000 enfants/an tous âges confondus1,2. En France, l’instauration de la supplémentation en vitamine D dans les années 60 et la commercialisation de laits artificiels enrichis en vitamine D depuis 1992 ont été suivis d’une réduction drastique de l’incidence du rachitisme carentiel. Désormais, cette maladie, quasi exceptionnelle, affecte les enfants allaités qui n’ont pas reçu de supplémentation vitaminique avant l’âge de 5 ans et dans une moindre mesure ceux ayant des facteurs de risque de carence (obésité, peau noire, absence d’exposition au soleil, diminution de l’apport)3.
Chez les nourrissons, la majorité des essais randomisés avaient pour critère de jugement principal les taux sériques de vitamine D. Ils ont observé qu’une supplémentation de 400 UI/j était suffisante pour atteindre des concentrations de vitamine D sérique considérées comme « normales ». Des posologies supérieures n’ont pas amélioré la densité osseuse, mais une augmentation du risque d’hypercalcémie a pu être observée. En l’absence de facteurs de risque de rachitisme, le niveau de preuve était insuffisant pour conclure à une efficacité clinique4. Plusieurs situations d’erreurs à l’origine de surdosages avec des conséquences cliniques parfois graves (liées à l’hypercalcémie ou l’hyperphosphatémie) ont été décrites, notamment en cas d’accès sans ordonnance à des solutions avec une concentration élevée de vitamine D5.
Chez les enfants âgés de 1 à 5 ans, aucun essai comparatif randomisé (ECR) de qualité méthodologique suffisante évaluant le risque de rachitisme ou la fragilité osseuse n’a été identifié6,7.
Chez ceux âgés de 5 à 13 ans, les essais n’ont pas montré de résultats probants sur la réduction du risque de rachitisme. Un ECR en double insu mené chez 8 851 enfants âgés de 6 à 13 ans, n’a pas montré de différence entre le groupe supplémenté en vitamine D pendant 3 ans et le groupe témoin, ni sur le risque fracturaire, ni sur les effets indésirables8-11.
Chez les adolescents entre la puberté et jusqu’à l’âge de 18 ans, la supplémentation augmentait les taux sériques de vitamine D, avec des résultats discordants sur les bénéfices en termes de densité osseuse12,13.
En termes d’efficacité extra-osseuse, la supplémentation en vitamine D n’a pas d’influence sur la croissance, la composition corporelle ou le développement pubertaire14. Pour les pathologies atopiques et l’asthme, les données suggèrent une légère réduction de la sévérité de la dermatite atopique et de la rhinite allergique sans influence sur le contrôle ou la sévérité de l’asthme dans l’enfance, en cas de taux sérique de vitamine D initial < 10 ng/L et avec un faible niveau de preuve15,16. En matière de réduction de l’incidence des infections des voies aériennes supérieures, les preuves cliniques sont insuffisantes pour conclure à une efficacité : les rares essais positifs n’ont pas montré de différence significative sur la sévérité des infections. Par ailleurs, ils étaient de faible niveau de preuve et non transposables à la situation épidémiologique en France17,18. En conclusion, l’indication de supplémentation en vitamine D s’est construite sur une observation épidémiologique historique de la réduction de l’incidence du rachitisme. Malgré la rareté des ECR de bonne qualité méthodologique évaluant des critères cliniquement pertinents, il est raisonnable de maintenir une supplémentation systématique de 400 à 800 UI/jour chez les nourrissons en particulier avant l’âge de 1 an, en cas d’allaitement maternel, ou en présence de facteurs de risque de carence, même si le bénéfice clinique individuel est actuellement impossible à démontrer tant l’incidence du rachitisme est faible. Pour les autres situations cliniques, les données actuelles ne permettent pas de conclure à une balance bénéfice/risque favorable de la supplémentation en vitamine D.
The question of vitamin D supplementation in the general population has been the subject of numerous recommendations and expert opinions, all agreeing on the need for supplementation in very young children. However, they recommended different dosages and indications in terms of age or risk factors. As a result, the CNGE's Scientific Advisory Board examined the most solid data in the literature concerning children.
Although the prevalence of vitamin D levels below 30 nmol/L (i.e. 12 ng/mL) exceeds 10% in Europe, the incidence of rickets is around 3 per 100,000 children/year of all ages1,2. In France, the introduction of vitamin D supplementation in the 1960s and the marketing of vitamin D-enriched artificial milks since 1992 have been followed by a drastic reduction in the incidence of deficiency rickets. Now, this disease, which is almost exceptional, affects breastfed children who did not receive vitamin supplementation before the age of 5, and to a lesser extent those with risk factors for deficiency (obesity, dark skin, lack of exposure to sunlight, reduced intake)3.
In infants, the majority of randomised trials used serum vitamin D levels as the primary endpoint. They found that supplementation of 400 IU/d was sufficient to achieve serum vitamin D levels considered 'normal'. Higher doses did not improve bone density, but an increased risk of hypercalcaemia was observed. In the absence of risk factors for rickets, the level of evidence was insufficient to conclude that it was clinically effective4. Several cases of errors leading to overdoses with sometimes serious clinical consequences (linked to hypercalcaemia or hyperphosphataemia) have been described, particularly in the case of over-the-counter access to solutions with a high concentration of vitamin D5.
In children aged 1-5 years, no randomised controlled trials (RCTs) of sufficient methodological quality evaluating the risk of rickets or bone fragility have been identified6,7.
In children aged 5 to 13, trials have not shown convincing results in reducing the risk of rickets. A double-blind RCT of 8,851 children aged 6 to 13 showed no difference between the group supplemented with vitamin D for 3 years and the control group, either in terms of fracture risk or adverse effects8-11.
In adolescents between puberty and the age of 18, supplementation increased serum vitamin D levels, with conflicting results on the benefits in terms of bone density12,13.
In terms of extra-osseous efficacy, vitamin D supplementation has no influence on growth, body composition or pubertal development14. For atopic pathologies and asthma, the data suggest a slight reduction in the severity of atopic dermatitis and allergic rhinitis without any influence on the control or severity of asthma in childhood, in the case of an initial serum vitamin D level < 10 ng/L and with a low level of evidence15,16. In terms of reducing the incidence of upper respiratory tract infections, the clinical evidence is insufficient to conclude that it is effective: the few positive trials did not show any significant difference in the severity of infections. What's more, these trials were of low quality and could not be transposed to the epidemiological situation in France17,18. In conclusion, the indication for vitamin D supplementation is based on the historical epidemiological observation of a reduction in the incidence of rickets. Despite the scarcity of RCTs of good methodological quality evaluating clinically relevant criteria, it is reasonable to maintain systematic supplementation of 400 to 800 IU/day in infants, particularly before the age of 1 year, in the event of breast-feeding, or in the presence of risk factors for deficiency, even if the individual clinical benefit is currently impossible to demonstrate given the low incidence of rickets. For other clinical situations, the current data do not allow us to conclude that the benefit/risk balance of vitamin D supplementation is favourable.