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Rubrique: EDITORIAL
Auteurs: Gocko X.
Citer cet article: Gocko X. "Tu finiras généraliste dans le Creuse". exercer 2023;191:99.
Lien URL: https://www.exercer.fr/full_article/2193
« Je sais, je sais, je suis en retard. »
Dr Jean-Pierre Werner, à une salle d’attente bondée dans le film Médecin de campagne.
Le 14 février 2023, certains ont fêté l’amour, d’autres ont fait grève. Cette grève a réuni les syndicats dont le Syndicat national des enseignants de médecine générale1, les sociétés savantes à travers le Collège de la médecine générale2, le Collège national des généralistes enseignants3 et même le Conseil national de l’Ordre des médecins. Dans la sémantique syndicale, l est classique d’utiliser les termes « union sacrée » et « tous ensemble ». Les revendications étaient aussi diverses que les fameux « 50 euros » de « Médecins pour demain » et la volonté de pouvoir former des maîtres de stage des universités. Pour une fois, la grève n’était peut-être pas contre quelque chose mais pour quelque chose : la reconnaissance des soins de santé primaires. La littérature scientifique4, les usagers de la santé reconnaissent l’importance des soins de santé primaires, capables de réduire la mortalité liée aux cancers et aux maladies cardiovasculaires, mais pas les tutelles.
La médecine générale est la spécialité médicale qui a le plus perdu de médecins actifs entre 2010 et 20225. Comment notre ministère de la Santé et de la Prévention répond-il à la question complexe de cette crise démographique et de ce manque de reconnaissance ? Par une réponse simpliste, apaisant les plus populistes : des obligations, de la permanence de soins, des samedis, des gardes, de la téléconsultation, des objectifs chiffrés d’activité, etc. À aucun moment, il n’est question de sécurité ou de qualité des soins…
Que faut-il aux tutelles pour comprendre le rôle des soins de santé primaires ? Les plus utopistes d’entre nous pensaient que l’universitarisation de ces soins – médecine générale, infirmiers en pratique avancée, etc. – allait changer les choses. Si vous ajoutez à l’universitarisation, certes très laborieuse, un ministère qui change de nom et fait de la place à la prévention, les soins de santé primaires se sentaient pousser des ailes. Tous les acteurs des soins de santé primaires, médecins, pharmaciens, infirmiers, par essence acteurs de prévention, étaient à même de diminuer les maladies chroniques cardiovasculaires et cancéreuses et leurs gradients sociaux6. Des champs de recherche multidisciplinaire s’ouvraient, et une autre organisation du système de santé, une autre vision de la santé était possible.
Et qu’ont fait les tutelles ? Des mesurettes au relent coercitif et populiste, incapables de répondre aux réels besoins en santé des populations et dénotant au mieux une ignorance crasse, au pire une volonté de favoriser de grands groupes assurantiels. Comment changer les choses ? Probablement en ayant un jour un conseiller ou un ministre acteur de soins de santé primaires, mais là nous rejoignons les utopistes…
Malgré le manque de reconnaissance, des acteurs de soins de santé primaires exercent, avec des moyens restreints et pendant de longues années, parfois bien après les 67 ans « de la retraite », faute de successeur. Malgré le manque de reconnaissance, les plus engagés de ces acteurs, dans les sociétés savantes, dans les syndicats, dans la formation se battent depuis de nombreuses années pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
Pourquoi le font-ils ? Probablement par amour de leur métier. Le 14 février, parmi les acteurs de soins de santé primaires, amoureux et grévistes, les médecins ont dit quelle fierté ils avaient à être généralistes, dans la Creuse ou ailleurs.
"I know, I know, I'm late".
Dr Jean-Pierre Werner, to a crowded waiting room in the film Médecin de campagne.
On 14 February 2023, some celebrated love, others went on strike. The strike brought together trade unions, including the Syndicat national des enseignants de médecine générale1 (National Union of Teachers of General Medicine), learned societies through the Collège de la médecine générale2 (College of General Medicine)3 , the Collège national des généristes enseignants3 (National College of Teaching General Practitioners)4 and even the Conseil national de l'Ordre des médecins (National Council of the Order of Physicians). In trade union semantics, the terms "sacred union" and "all together" are commonly used. The demands were as diverse as the famous "50 euros" of "Doctors for Tomorrow" and the desire to be able to train university internship supervisors. For once, the strike was perhaps not against something, but for something: the recognition of primary healthcare. The scientific literature4 and health care users recognise the importance of primary care in reducing mortality from cancer and cardiovascular disease, but the authorities do not.
General practice is the medical speciality that has lost the most active doctors between 2010 and 202525. How is our Ministry of Health and Prevention responding to the complex issue of this demographic crisis and lack of recognition? With a simplistic response that appeases the most populist of populists: obligations, on-call duty, Saturdays, on-call duty, teleconsultation, quantified activity targets, etc. At no point is there any mention of safety or quality of care...
What do the authorities need to understand the role of primary care? The most utopian among us thought that the universitarisation of this care - general medicine, advanced practice nurses, etc. - would change things. - was going to change things. If you add to this universitarisation, which is admittedly very laborious, a ministry that is changing its name and making room for prevention, primary healthcare felt like it was growing wings. All those involved in primary healthcare - doctors, pharmacists, nurses - were in a position to reduce chronic cardiovascular and cancer diseases and their social gradients6. Fields of multidisciplinary research were opening up, and a different organisation of the healthcare system, a different vision of health, was possible.
And what did the authorities do? Small measures that smack of coercion and populism, incapable of responding to the real health needs of the population and indicative at best of crass ignorance, at worst of a desire to favour large insurance groups. How can we change things? Probably by one day having a councillor or minister involved in primary healthcare, but that's where we join the utopians...
Despite the lack of recognition, primary healthcare workers are practising, with limited resources and for many years, sometimes well after the age of 67, in the absence of a successor. Despite the lack of recognition, the most committed of these players, in learned societies, in trade unions and in training, have been fighting for many years to improve the quality and safety of care.
Why do they do it? Probably because they love their job. On 14 February, among those involved in primary healthcare, both in love and on strike, the doctors said how proud they were to be general practitioners, in the Creuse or elsewhere.