Inscrivez- vous au sommaire électronique
Recevez à chaque sortie d'exercer, le sommaire de la revue.
Rubrique: EDITORIAL
Auteurs: Lebeau J.
Citer cet article: Lebeau J. Sachs et Sackett. exercer 2020;167:387.
Lien URL: https://www.exercer.fr/full_article/1565
Il y a un peu plus de 20 ans, attiré tant par la curiosité et que par le dédommagement promis, j’avais loué pour quelques jours mon cabinet de jeune médecin généraliste récemment installé à Vendôme à l’équipe du réalisateur Michel Deville, qui y avait tourné quelques scènes de l’adaptation du roman de Martin Winckler « la maladie de Sachs », avec Albert Dupontel dans le rôle éponyme1. De cette expérience enrichissante à double titre, j’ai gardé en précieux souvenir un ordonnancier édité pour le film au nom du Docteur Bruno Sachs, médecin généraliste... Curieusement, c’est à la même époque que je me passionnais pour le modèle de démarche décisionnelle proposé par Sackett qui commençait à faire les gros titres du BMJ, tant par sa pertinence pour l’exercice de la médecine que par son impertinence – et celle de ses promoteurs – vis-à-vis du mandarinat médical et universitaire de l’époque2. L’evidence-based medicine envoyait au placard la médecine fondée sur la
parole des Maîtres, et – au grand dam de ces derniers – remplaçait la vérité révélée par les niveaux de preuves.
Je me souviens à l’époque des difficultés que nous avions à expliquer à nos confrères dubitatifs en quoi ce modèle aux apparences froidement scientifiques ne s’opposait en aucun cas à l’humanisme inhérent à l’exercice de la médecine générale, dont Martin Winckler proposait avec Bruno Sachs un archétype. Il nous semblait, et il nous semble encore, que c’est même là le coeur de notre métier : exercer une profession profondément humaine et sociale tout en fondant sa démarche décisionnelle sur des bases scientifiques. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, quand ces bases se sont élargies à d’autres sciences que la biologie, la pharmacologie et les biostatistiques, pour accueillir l’ensemble des sciences humaines et sociales. Les difficultés à faire adopter le modèle n’ont pas complètement disparues, mais ont surtout laissé la place à celles liées à son implémentation dans la pratique et donc à son apprentissage.
« Déjà vu » aujourd’hui : dans le même numéro d’exercer, Rémy Boussageon fait le point sur l’evidence-based medicine et son utilisation raisonnée en médecine générale, tandis que Lise Journet et Camille Rendu nous proposent de réfléchir sur les représentations sociales du médecin généraliste à travers une typologie des médecins généralistes imaginés et décrits par les auteurs romanesques du siècle passé3,4. En point d’orgue, Léa Ceysson nous rapporte les difficultés rencontrées par les étudiants dans une situation emblématique de cet équilibre instable : l’hésitation vaccinale5.
C’est un hasard, sans doute, que cette nouvelle coïncidence, mais qui vient néanmoins confirmer à quel point notre métier est à l’interface entre sciences et humanité, et à quel point l’exercer nous oblige à toujours plus explorer et toujours mieux maitriser la rencontre entre Sachs et Sackett.