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Rubrique: EDITORIAL
Auteurs: Gocko X.
Citer cet article: Gocko X. Question rhétorique ?. exercer 2023;190:51.
Lien URL: https://www.exercer.fr/full_article/2163
« La répétition est la plus forte des figures de rhétorique. »
Napoléon Bonaparte
« Il faut la faire la 4e/5e dose ? ». Cette question, presque rhétorique pour certains patients, chatouille les oreilles des médecins généralistes qui, comme leurs patients, éprouvent souvent un sentiment d’épuisement face à ces presque trois années de pandémie.
Cet épuisement, amplifié par les épidémies de grippe et de bronchiolite, peut même conduire à un désintéressement du sujet Covid-19. Et pourtant, de janvier 2020 à décembre 2021, l’excès de mortalité dû au Covid-19 a été estimé à 14,83 millions dans le monde1. L’espérance de vie a
baissé en Europe de plus d’un an, comparée à l’avant-pandémie. Cette baisse est la plus forte observée depuis la Seconde Guerre mondiale. L’organisation des soins est perturbée en Europe2 et l’a aussi été au Québec et au Canada, comme en attestent les témoignages de Légaré et al.
dans ce numéro3.
Alors « il faut la faire la 4e/5e dose ? ». La question n’est pas rhétorique pour les généralistes, elle mérite une réponse qui relève de l’EBM. Même si la qualité des études varie, les vaccins semblent être sûrs et efficaces pour prévenir les formes graves, les hospitalisations et les décès contre tous les variants. Les réponses aux questions de la dose de rappel, de la baisse de l’immunité, de la durée de l’immunité persistent4. Certaines études ont même montré que l’immunité hybride avait de meilleurs résultats sur les formes graves que l’immunité avec deux doses de vaccins5. D’autres questions émergent, comme celle de l’impact de la vaccination sur le Covid long et les malaises post-effort qui sont décrits dans le recommandé pour exercer de ce numéro 1906.
Alors « il faut la faire la 4e/5e dose ? ». La question pour les patients est-elle purement rhétorique ? Certains attendent une réponse, car leur décision ne repose pas uniquement sur des données statistiques. Leur raisonnement (comme le nôtre) est aussi émotionnel et peut reposer sur des erreurs issues de procédures mentales subconscientes de traitement de l’information, alias les biais cognitifs. Dans ce numéro, vous allez découvrir de nombreux biais et pouvoir répondre aux questions des patients. Par exemple, le biais de naturalité fait que le patient pense le virus peu dangereux et qu’il préfère contracter la maladie plutôt que de se faire vacciner7.
Imaginons maintenant un patient qui voudrait privilégier « l’immunité naturelle » ; qui aurait lu qu’elle fait mieux que la vaccination et un médecin qui aurait lu la brève d’exercer 189 écrite à partir de l’article du New England Journal of Medicine et l’article sur les biais cognitifs. Le médecin pourrait en douceur faire vaciller la certitude du patient et comparer un pari audacieux de contracter une Covid-19 et celui de se faire vacciner qui semble plus raisonnable.
Comment va-t-il lui expliquer tout cela ? Il peut employer les trois dimensions de l’art de convaincre. La première est le logos : la logique du discours, les arguments développés dans l’article de Fiolet et al.4. La deuxième est l’éthos : la crédibilité de celui qui délivre le message, et vous connaissez la relation de confiance des usagers de la santé avec leur médecin généraliste. La troisième est le pathos : l’argumentation par l’affect, et là encore le médecin généraliste sait créer un lien émotionnel. Le tout est de la rhétorique et elle ne s’oppose en rien au modèle de décision partagée mais permet de nourrir son assertivité professionnelle.
"Repetition is the strongest figure of speech".
Napoleon Bonaparte
"Should I take the 4th/5th dose? This question, almost rhetorical for some patients, tickles the ears of GPs who, like their patients, often feel exhausted by the almost three years of the pandemic.
This exhaustion, amplified by the influenza and bronchiolitis epidemics, can even lead to a lack of interest in Covid-19. And yet, from January 2020 to December 2021, the excess mortality due to Covid-19 has been estimated at 14.83 million worldwide1. Life expectancy has by more than a year, compared with the pre-pandemic period. This is the sharpest fall since the Second World War. The organisation of healthcare has been disrupted in Europe2, and has also been disrupted in Quebec and Canada, as shown by the accounts of Légaré et al. in this issue3.
So "should we take the 4th/5th dose? This is not a rhetorical question for GPs; it deserves an EBM-based answer. Even if the quality of the studies varies, vaccines appear to be safe and effective in preventing severe forms, hospitalisations and deaths against all variants. Answers to questions about the booster dose, waning immunity and the duration of immunity persist4. Some studies have even shown that hybrid immunity has better results in severe cases than immunity with two doses of vaccine5. Other questions are emerging, such as the impact of vaccination on the long Covid and post-exertional malaise described in this issue's recommended exercer 1906.
So "should I have the 4th/5th dose? Is this a purely rhetorical question for patients? Some expect an answer, because their decision is not based solely on statistical data. Their reasoning (like ours) is also emotional and may be based on errors stemming from subconscious mental procedures for processing information, known as cognitive biases. In this issue, you will learn about a number of biases and be able to answer patients' questions. For example, the naturalness bias means that the patient thinks the virus is not very dangerous and prefers to contract the disease rather than be vaccinated7.
Now imagine a patient who wants to favour "natural immunity"; who has read that it is better than vaccination and a doctor who has read the Practice Note 189 written on the basis of the New England Journal of Medicine article and the article on cognitive bias. The doctor could gently sway the patient's certainty and compare the bold gamble of contracting Covid-19 with the more reasonable gamble of being vaccinated.
How will he explain all this? He can use the three dimensions of the art of persuasion. The first is logos: the logic of the discourse, the arguments developed in the article by Fiolet et al.4. The second is ethos: the credibility of the person delivering the message, and you know the relationship of trust that health users have with their GP. The third is pathos: argumentation through affect, and here again GPs know how to create an emotional bond. It's all rhetoric, and it's in no way opposed to the shared decision-making model, but it does allow you to nurture your professional assertiveness.